Qualité vs quantité : pourquoi la recommandation est la réponse au sourcing de masse inefficace ?
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Face à des volumes de recrutement croissants, les RH doivent-ils choisir entre qualité ou quantité ? Chez Foodles, où près de 300 postes ont été pourvus en 1 an, la question du sourcing s’est imposée. Aurore Baudry, aujourd’hui HR Business Partner, a piloté pendant 3 ans la structuration du pôle recrutement et de la marque employeur. Forte d’un double parcours en communication et en recrutement, elle partage son expérience terrain via la plume d’Anaïs : les limites du sourcing de masse, des leviers plus efficaces testés chez Foodles et les bénéfices durables d’une approche plus qualitative.

Recruter en volume, un défi d’équilibriste pour les RH ?
C’est l’enjeu clé de toute équipe RH confrontée à un volume de recrutements important : ne pas sacrifier la qualité des profils.
Le recrutement en masse oblige à aller vite, certes, mais il est question de garder tout de même une exigence sur les compétences, de la vigilance vis-à-vis de l’adéquation culturelle et en prime, de l’expérience candidat. Un équilibre parfois difficile à maintenir dans des organisations où les ressources humaines... sont elles-mêmes limitées.
Le cas de Foodles est particulièrement intéressant. En plus de réinventer la restauration d’entreprise à travers un modèle foodtech, elle compose avec environ 200 recrutements par an pour seulement 3 recruteurs en interne.
La pression est palpable. Les talents à sourcer sont très variés. Ce qui complexifie encore l’équation. Aurore précise :
“À noter, on recrute sur 2 grands blocs de métiers : d’un côté, les postes opérationnels (dans les cuisines, la livraison, la gestion des comptoirs…), de l’autre, des fonctions “siège” plus classiques, mais aussi plus rares et concurrentielles, comme des profils tech.”
Une diversité de métiers implique une stratégie “multicanal” bien réfléchie et une agilité constante.
Dans cette configuration, une façon de sourcer pourrait bien s’imposer : le sourcing de masse. Ce procédé désigne le fait d'envoyer un même message à un grand nombre de contacts, sans nécessairement cibler ou personnaliser l’approche, sur des canaux standardisés, dans l’espoir de faciliter les recrutements. Une approche “grands volumes” qui mise sur la quantité plus que sur la pertinence… mais dont les limites apparaissent rapidement.
Les grandes limites du sourcing de masse
Alors oui, face à l'urgence ou à la pression des volumes, le sourcing de masse semble tentant. Rapide à enclencher, il donne l’illusion de résultats immédiats. Pourtant, comme le souligne Aurore, c’est souvent une fausse bonne idée : “C’est le Level 1 du sourcing”. Une approche basique, peu efficace et qui, à terme, dessert plus qu’elle ne sert.
Preuve en est, chez Foodles, cet axe a montré ses limites.
Des messages standardisés envoyés en grande quantité ont engendré des retours négatifs, notamment de la part de CEO mécontents de voir leurs collaborateurs trop sollicités.
Il n’est pas surprenant non plus, quand on a recours à cette méthode, de générer des doublons côté candidats, ou des erreurs d’automatisation (prénoms incorrects, messages mal ciblés) qui nuisent terriblement à l’image employeur.
Saturer les canaux n’accélère pas les recrutements. Au contraire, le time to hire peut s’allonger, faute de temps pour trier, traiter et qualifier correctement les candidatures. Résultat : une expérience candidat dégradée, des entretiens reportés, des réponses tardives. Tout le monde y perd.
En bref, même dans un contexte de recrutements soutenus, le sourcing de masse peut vite devenir contre-productif : il consomme du temps, nuit à la réputation de l’entreprise et crée une charge mentale inutile pour les équipes.
Quand l’inbound devient un levier de recrutement
C’est ainsi que Foodles a changé de cap vers une approche plus qualitative : le "Level 2" du sourcing. L’idée ? Attirer plutôt que solliciter, grâce à un travail de fond sur la marque employeur.
L’entreprise a mis en place un mix inbound complet : campagnes médias, contenus dédiés, refonte des offres, amélioration des processus. Conséquence ? Le nombre de candidatures entrantes a fortement augmenté.
Mais qui dit volume… dit tri ! Et avec un effectif réduit, le traitement reste un défi quotidien.
Autre point : la qualité est là, c’est vrai, mais trop souvent dissimulée dans la masse. Il faut donc des outils et un plan efficace pour ne pas perdre de bons profils en route.
Enfin, Aurore insiste :
“La vérité, c’est qu’une stratégie d’inbound à elle seule ne suffit pas, surtout si le parcours de recrutement reste trop long. C’est ce qui a conduit à revoir entièrement l’expérience candidat sur les postes tech, en réduisant les étapes superflues, avec un effet direct sur les délais.”
Recrutement par recommandation : peu de volume, plus de valeur !
Après le sourcing de masse (Level 1) et l’inbound (Level 2), une autre stratégie émerge comme levier pertinent : la recommandation.
Qu’il s’agisse de cooptation interne ou via des réseaux externes, pour Aurore, c’est un niveau où la qualité prime sur la quantité.
C’est le “Level 3 du sourcing”.
À l’interne, Foodles s’appuie sur Trusty pour encadrer sa cooptation. Le système est automatisé via leur messagerie instantanée Slack et affiche des taux de conversion allant de 16 à 22 % certains mois.
À l’externe, la recommandation passe aussi par le réseautage spontané, via des communautés RH sur Slack ou WhatsApp. Aurore y partage volontiers des profils non retenus, bien que prometteurs, ou inversement, en sollicite auprès de ses pairs. Une mécanique simple, humaine… mais chronophage si elle reste informelle.
“La recommandation externe, c’est un canal puissant, clairement. Seulement, elle est généralement réalisée à titre gracieux, donc pas d’encouragement à le faire. C’est pour ça que j’ai voulu la rendre plus formelle.”
Effectivement, pour aller plus loin, Foodles a récemment mis à l’essai Proppl, la solution qui structure et valorise la recommandation externe. Objectif : gagner du temps sur le sourcing, en recevant peu de candidatures… mais très qualifiées !
Testé sur un poste tech, le levier a confirmé sa valeur : les profils reçus étaient parfaitement alignés.
Et pour cause, les prescripteurs, aussi appelés “Propellers”, utilisent leur connaissance approfondie du secteur et leur spécialisation métier pour mobiliser leur réseau et identifier les profils les mieux adaptés aux besoins des recruteurs. Un partage d’opportunités avec leur réseau suffit pour recevoir une commission minimum de 1 500 € si le recrutement aboutit.
La recommandation naturelle se retrouve désormais, cadrée, professionnalisée et reconnue.
C'est du temps de sourcing en moins pour l'équipe, tout simplement. Et ce temps gagné va pouvoir être mis à profit sur d’autres axes : les recrutements qui nécessitent plus d’attention, ou encore, la personnalisation !
Faites place à la personnalisation
En sourcing, il n’y a pas de mystère : plus on cible large, moins on parle juste.
Dans une logique de masse, impossible d’adapter chaque message, chaque approche. À l’inverse, quand le volume est maîtrisé, la personnalisation devient enfin possible et surtout efficace.
Et pour les candidats, ça compte ! D’autant plus quand on sait qu’ils sont plus de 40% à estimer que le manque de communication est l’aspect le plus frustrant du processus de recrutement, d’après Cronofy.
Chez Foodles, Aurore en est convaincue : une communication sur-mesure est un facteur clé de différenciation. Pour gagner du temps, elle et sa team utilisent une banque de messages testés, enrichis manuellement par une phrase personnalisée. L’IA générative intégrée à leur ATS fluidifie également certaines tâches répétitives, tout en préservant une touche humaine.
Et ce n’est pas tout. Avec une stratégie de sourcing mieux réfléchie grâce à la recommandation, entre autres, l’énergie a pu être allouée à un travail de nurturing.
Le nurturing, c’est cette fameuse pratique marketing qui consiste à entretenir du lien avec ses prospects via des contenus ciblés pour les amener à passer à l’achat. Il s’agit du même principe, mais appliqué au recrutement.
C’est ainsi que Foodles a lancé une newsletter consacrée aux candidats : un format pour maintenir la connexion avec son vivier, diffuser les actualités de l’entreprise et rappeler que l’intérêt porté à un profil reste actif, même sans poste disponible.
En retour, les talents conservent un lien positif avec la marque et la conversion est plus rapide quand un besoin se présente. Ce fonctionnement illustre un cercle vertueux.
Moins de sourcing de masse chronophage = plus de temps pour soigner les échanges. Et donc une meilleure expérience candidat et une image employeur renforcée.
La qualité coûte-t-elle plus cher que la quantité ?
L’exemple de Foodles nous prouve que non, pas forcément.
Si le coût réel d’un recrutement est toujours difficile à isoler, Aurore constate des gains concrets qui concernent délais, budget et charge mentale.
Tout d’abord, niveau délai.
En 3 ans, le time to fill est passé de 6 mois pour certains postes à 72 jours en moyenne tous postes confondus. Une réduction nette, liée à un travail plus large : structuration des process, optimisation des outils, choix de meilleurs canaux de sourcing selon les profils.
Maintenant, côté budget.
Zéro surcoût ! Ce qui a changé, c’est la manière de mobiliser le budget : moins de cabinets, un focus sur la marque employeur et plus de solutions qualitatives comme Proppl. En travaillant avec agilité, l’équipe a absorbé une intensité de recrutement grandissante sans alourdir l’investissement.
“Notre enveloppe est restée la même sur les 3 années, tandis que le volume de nos recrutements s’est accéléré. J'ai juste réparti mon enveloppe différemment avec des leviers ajustés en fonction de mes problématiques au fil du temps.”
Puis, au-delà des chiffres, la baisse de la pression ressentie.
Moins de tâches chronophages, plus de fluidité, une meilleure expérience collaborateur et un engagement sans faille malgré la cadence.
Et oui. Tout ça, alors que l’équipe reste la même depuis le départ, avec 3 personnes pour gérer jusqu’à 300 recrutements annuels (contre 160 à ses débuts).
Un résultat qui démontre à quel point l’architecture du sourcing influe directement sur la performance globale : en misant sur la qualité plus que sur la quantité, Foodles a réussi à faire mieux… sans faire plus.
Pas de stratégie, pas de qualité. Pas de qualité, pas de recrutement.
Foodles est un bon cas d’école : une croissance rapide et des objectifs de recrutement ambitieux qui ont imposé des choix et le sourcing de masse était loin d’être la meilleure des alternatives.
Aurore montre que la stratégie repose sur un équilibre fin entre inbound, outils adaptés, recommandations… L’articulation intelligente de plusieurs leviers, un refus assumé du sourcing mal ciblé et sans personnalisation.
“On ne peut pas se contenter de travailler la partie sourcing. Le résultat est positif à condition d’opérer sur tous les enjeux, tous les niveaux, tous les aspects du processus de recrutement.”
Et si le vrai sujet, ce n’était pas le sourcing, mais la stratégie globale qui l’entoure ?